A toi...

Aujourd’hui est un bien triste jour, celui de l’enterrement d’un homme qui pour moi représentait la simplicité dans l’engagement. Pas de pouvoir ni d’argent, mais une audace désinvolte et un courage à toute épreuve. Une force d’Hercules dans un tout petit homme. La barbe grisonnante, les lunettes sur le nez, armé de son petit sourire et coiffé de son éternel béret, il partait en chasse contre toutes ces injustices qui le révoltait...Refusant la fortune de ses parents, il sait qu’il ne pourra vivre dans l’aisance alors que tant n’ont rien. L’altruiste qu’il aura été, n’aura de cesse de se battre pour les plus pauvres, les oubliés....Ceux qui coûtent plus qui ne rapportent, ceux qui encombrent et font désordres devant les touristes....

S’il y a eu larme, ce n’est point de tristesse, car je sais qu’enfin, son âme trouvera le repos tant mérité, qu’après cette vie de combat d’acharné, il retrouvera une partie des siens, qui ont à ses débuts bataillés avec lui, faisant face aux monstres politiques qui ne voulait rien entendre, ne voyait que l’argent à dépenser, et pour ceux qui ont « lâché », la gloire que l’on pouvait afficher, le bénéfice que cela pouvait rapporter de tendre une main...

S’il  y a une larme, c’est celle du vide qu’il fait dans mon cœur, du trou qu’il laisse, car je lui dois...J’ai vécu en son sein, pas longtemps, quelques mois, d’un hiver ou son toit m’a accueilli alors que le température était à – 20°...Un hiver de 86...J’ai vu la chaleur, le bonheur de ses yeux de ceux qui n’ont rien à donner, et qui pourtant vous comble avec un rien....J’ai partagé la soupe, mis ses frusques, et dormi dans un lit après ces jours passés dans la rue....On m’a donné du travail, pour me montrer que je pouvais, moi aussi, me rendre encore utile, en être et être.....

S’il y a une larme, c’est parce- que je sais que la bonté ne s’invente pas....On naît avec, comme un cadeau du ciel, presque un don de nos jours....Et que rare sont ceux qui vont pouvoir prétendre à un cœur comme le tien, et que moins rares sont ceux qui vont pouvoir s’édifier de ton œuvre....

L’amitié des sans rien, qui n’ont que pour famille leurs souvenirs....Cette période n’est pour moi pas à oublier, car j’ai eu la chance de voir l’essentiel de la vie....Quand on gratte le fond du trou, s’arrachent les ongles sur des parois lisses d’une vie qui irrémédiablement s’enfui, le désespoir en poche, on ne rêve plus, on s’accroche....

Et puis alors vient un peu de chaleur, des sourires, des mains que l’on vous tend, sans rien vous demander, si ce n’est que d’y croire encore un peu....

Si ma vue se trouble, ma gorge se noue alors que je vous écris tout cela, c’est que je m’en veux, je m’en suis sortie, la honte faisant, je n’y suis jamais retourné.....Dire merci....Comme beaucoup, le malheur vite oublié, l’ingratitude prend le dessus....Et on continu.....Sans se retourner pour se rappeler....

Mais toi qui pars aujourd’hui, sache que je n’ai pas oublié, et qu’à beaucoup d’entre nous tu vas manquer....

Pardon....merci.....